martes, 6 de diciembre de 2016

Crónica de la visita de Amigos de Freinet a Bañuelos.

BAÑUELOS DE BUREBA
SEPTIEMBRE 2016


Jeanne et Joël Potin
Amis de Freinet
Après avoir traversé un plateau sublime, vous arrivez sur Bañuelos de Bureba, un petit village de 20 habitants, perdu au coeur de collines près de Briviesca à une trentaine de kilomètres de Burgos.
Nous sommes sur les traces d’Antonio Benaiges, le maître qui promettait la mer .
Il enseigna dans ce village en pédagogie Freinet en 1934 avant d'être assassiné en 1936.

Lundi 19 septembre,
mandatés par les Amis de Freinet, nous avons rendez-vous avec Jésus Viadas le maire.
Il est aussi le président de l'association ESCUELA BENAIGES
Dans les années 30, le village comptait 220 habitants, aucun enfant n’avait vu la mer, le maître utilisait des techniques Freinet…
Bénaiges était militant du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol et de l'Union Générale des Travailleurs.
Ce maître avait changé l'école, il donnait la parole et l'imprimerie à ses élèves . Il ne faut pas oublier, nous
disait Pilar, que pendant et après la guerre, des maîtres ont été punis, réprimés, emprisonnés, assassinés,
détenus, torturés et exécutés par les franquistes.
Le MCEP (Mouvement Coopératif de l’École Populaire) en Espagne soutient la reconversion de cette petite école en musée pédagogique.
Giancarlo Cavinato, Pilar Fontevedra, François Perdrial, (à l'origine de la création de la bourse) ont aidé à faire connaître cette histoire.
Plusieurs rencontres ont déjà eu lieu dans cette petite école, un congrès s’y est déroulé en 2015
avant le début des travaux. Cinquante personnes y participèrent.
Prochaine rencontre prévue en 2017.

La FIMEM lors de la RIDEF de Reggio Emilia en 2014 a délibéré pour donner son soutien à l’association en plaçant une plaque sur la façade de l'école, en instituant une bourse Bénaiges pour des étudiants et jeunes
instituteurs en aidant au financement.
Ce texte est une phrase de l'épitaphe écrit par Patricio Redondo.

La Escuela de BAÑUELOS
• Jésus, nous a fait visiter cette école, en rénovation.
• Le plancher qui soutenait la classe et le logement du maître
sont en place. Il attend impatiemment la fin des travaux tributaires des finances.
La escuela de Bañuelos inicia su reconversión en Museo Pedagogico 28 octubre 2015
L'école de Bañuelos, 19 septiembre 2016
A la mairie sont conservées quelques traces de cette période une casse d’imprimerie, le poêle qui chauffait la classe et des fac-similés dejournaux (originaux conservés aux archives de Burgos)
-GESTOS pour les plus grands
-RECREO pour les plus jeunes.
Texte paru dans Escola Proletaria n°3 du 1er janvier 1937

ANTONIO BENAIGES
Assassiné. Voilà ce qu’annonce la lettre écrite depuis Arcentales par Demetrio Saez de Bañuelos de Bureba (Burgos). Elle dit : « Votre professeur, qui le fut autrefois, don Antonio Benaiges Noges, a été assassiné par le terrorisme fasciste... Il fut assassiné le 25 juillet 1936, je me suis échappé des lignes fascistes et c’est pourquoi je me trouve à Bilbao. Il a été enterré dans les montagnes de Villa Franca Montes
de Oca ».
Ce ne fut pas un choc, ni un coup de massue, même pas une secousse non plus qu’un ébranlement, parce que ce fut, hélas ! une confirmation, une assurance, une certitude, sans la moindre lueur d’espoir que la supposition, que la conviction intuitive put être démentie par les faits.
- Que sais-tu de Benaiges ? me demandaient amis et camarades. Et je répondais invariablement : « Les fascistes l’on fusillé. Il devait donner une conférence à Burgos sur “Notre Technique„ le 19 juillet… Nous sommes en août. On ne sait rien de lui, d’aucun côté… Les fascistes l’ont fusillé… ».
Allons donc ! Non ; ils ne doivent pas l’avoir fusillé, ils le gardent sûrement prisonnier, et qui sait, peut-être que le jour où nous nous y attendrons le moins, nous le verrons apparaître par ici, dans la rue, dans un café, dans un congrès pédagogique, dans une réunion syndicale d’Enseignants, les bras ouverts pour
nous y serrer et se laisser étreindre dans les nôtres, fort, solidement.
Mais s’en est fait de notre petite étincelle d’espoir, cachée, comme enfouie au plus profond de notre être : la lettre de Demetrio Saez l’a éteinte. Et, pire, elle nous a dit la terrible, la cruelle vérité : « Il a été assassiné ». Nous, nous disions : « Les fascistes l’ont fusillé » sans nous rendre compte que les fascistes ne fusillent pas, ils ne savent, ils ne peuvent fusiller, ils assassinent !
Avec quelle simplicité et quelle criante vérité le dit Demetrio : « Il a été assassiné par le terrorisme fasciste » !
Il n’a même pas eu la chance de tomber face à l’ennemi, en se battant, en poursuivant sans fléchir la lutte dure, tenace et éclairée qu’il menait contre la cruauté, mille fois cruelle, du monde bourgeois. Même pas cela ! Assassiné. Et sûrement la nuit, dans la brune obscurité de la nuit, quand il n’y avait même pas d’étoiles qui auraient pu se changer en prunelles étincelantes qui, se rivant à celles des assassins, auraient pu les convaincre de leur félonie, d’une retorse perversité. Ils n’eurent pas, ne pouvaient avoir la hardiesse de l’assassiner à midi, en pleine lumière, le visage au soleil, ou à l’heure claire de la nuit quand la pleine lune
change en argent la face de la terre, si bien que ses yeux, en devenant vitreux, auraient pu transformer le dernier rayon de soleil ou de lune qu’ils auraient reçu en flèche aiguë, en dard infaillible qui aurait percé l’âme de ses assassins, qui la leur aurait carbonisée avec la braise rouge ardemment enflammée du remords,
comme un rongeur qui les aurait consumés peu à peu, lentement, par jeu, tordant leur âme comme qui essore un chiffon mouillé.
Quelle balle, ô Benaiges, ou quel poignard a traversé ton coeur ? Quelle balle ou quel poignard a traversé ton cerveau ? Ce ne fut peut-être ni une balle ni un poignard ; ce fut sûrement un couteau à égorger les chèvres, foncièrement fasciste, car autrement il n’aurait pas pu se loger dans ton coeur ni s’enfoncer dans ton
cerveau. Car à présent même les choses sont foncièrement fascistes ou antifascistes. Et foncièrement fasciste, comme eux, devait être l’arme du crime, pour qu’à cet assassinat raffiné ne manque aucun détail.
Et cela avait eu lieu le 25 juillet, juste un an après que, à trois heures de l’aprèsmidi, par la porte de ma cellule de la cinquième galerie de la Prison Modèle de Barcelone, me soit parvenue une lourde enveloppe, couverte d’une magnifique écriture script, qui contenait une lettre, une belle et merveilleuse lettre que j’ai lue,
et que j’ai lue et relue maintes fois, que j’ai même récitée comme une oraison, dans laquelle il était dit : « Toute une année sans le voir ; je ne reviendrai pas à Bañuelos sans lui rendre visite, parce que je ne peux pas me faire à l’idée qu’il doive s’écouler encore une année, toute une autre année sans que nous puissions nous voir, nous parler et nous embrasser. Et il s’est écoulé plus d’un an ! »
Non. « Quand cessera le mouvement » comme dit littéralement Demetrio, ton école s’ouvrira à la lumière, et en rouges et vives lettres de feu, comme des oeillets,
comme des caillots de sang – le sang vivant de la victoire – elle portera un nom, et s’appellera « École Benaiges ». Si ceux dont le devoir est de le faire ne le font pas, j’irai, moi, et je le graverai au dessus de la porte en lettres ineffaçables ! Et, dans mon école, celle d’aujourd’hui, ou celle que je pourrai avoir, sur le fronton d’une des salles de classe, toujours figurera un rectangle rouge avec ton nom «BENAIGES ». Le nom de la classe. Et puis, dans la galerie des Maîtres, celle des Maîtres, n’est-ce pas ? il y aura ton portrait, celui de qui fut l’une des hautes et remarquables valeurs du Corps Enseignant.
Nous chercherons dans les montagnes d’Oca l’endroit où ils ont mis ton corps criblé de balles, nous creuserons un trou et nous y placerons une boîte avec une presse métallique FREINET, une « police maternelle » Futura, un exemplaire de «La Mer » et la lettre dans laquelle on m’apprend ton assassinat. Si nous ne retrouvons pas l’endroit précis, nous ferons cela au sommet, sur la cime la plus haute de ces monts, plantant comme un drapeau la pierre éternelle disant « cette terre n’est plus de la terre à présent, car elle est faite de la chair et du sang d’un Maître d’école ». Afin que, après le passage de temps, des années et des siècles, les hommes qui viendront après nous puissent trouver là haut une présence, toujours vivante et agissante, un exemple leur disant qu’ici se trouve encore, debout, bien droit, dressé, le front dégagé, le visage pleinement offert au vent, un Maître d’École, qui fut le premier à apporter à ces terres embrasées de soleil et brûlées de gel, asservies par l’ignorance, la première lumière de la liberté qu’il savait si bien
faire vivre.
Salut, donc, BENAIGES.



Merci Jésus, merci Antonio, merci Freinet


Muchas Gracias a vosotros por la visita y el afecto a nuestra escuela.

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